En 2024, les jeux tap-to-earn sur Telegram ont suscité un intérêt sans précédent. Avec des titres tels que Hamster Kombat, qui a attiré 300 millions de joueurs, et le succès de Notcoin ayant propulsé son token à près de 3 milliards de dollars, ces jeux incarnent la nouvelle vague du Web3. Cependant, une question persiste : le modèle tap-to-earn représente-t-il une véritable évolution par rapport à la tendance play-to-earn, ou est-il voué à subir le même sort ?
Dans un article précédent, intitulé Tap-to-earn sur Telegram : révolution ou phénomène passager ?, nous avons déjà questionné la durabilité de ce modèle, tout en soulignant l’engouement initial des utilisateurs. Les jeux comme Hamster Kombat ou Notcoin attirent des millions de joueurs, mais les interrogations sur leur pérennité persistent, notamment en raison de la volatilité de leur économie basée sur les récompenses en crypto-monnaie.
Un modèle accessible mais limité en profondeur
À première vue, le modèle tap-to-earn se distingue par sa simplicité. Contrairement aux jeux play-to-earn, où les joueurs devaient acheter des NFT coûteux pour entrer dans le jeu, les tap-to-earn ne nécessitent qu’un smartphone et l’application Telegram. Cette accessibilité a permis d’attirer rapidement une vaste communauté. Par exemple, la plateforme X Empire revendique déjà 45 millions de joueurs actifs. Le faible coût d’entrée a été salué par des acteurs de l’industrie, tels que Robbie Ferguson, PDG d’Immutable, qui considère que cette simplicité favorise un modèle plus durable.
Cependant, cette accessibilité a aussi ses limites. Les jeux tap-to-earn, bien qu’attrayants par leur facilité d’accès, manquent souvent de profondeur. Des titres comme Hamster Kombat se résument à tapoter l’écran pour accumuler des jetons, sans véritable compétence ni stratégie. Cette boucle de gameplay peut rapidement devenir répétitive, ce qui limite leur capacité à maintenir un engagement à long terme. Andrew Saunders, directeur marketing de Skale Labs, souligne également que ces jeux, bien qu’innovants au début, peinent à fidéliser les utilisateurs après l’effet de nouveauté initial.
Le parallèle avec l’échec du play-to-earn et Axie Infinity
Le modèle tap-to-earn fait inévitablement écho à l’ascension et à la chute du modèle play-to-earn, illustré par l’exemple emblématique d’Axie Infinity. En 2021, ce jeu de bataille de monstres, qui s’inspire de Pokémon, a connu un succès fulgurant. Les joueurs devaient acheter ou emprunter trois NFT Axie pour commencer à jouer, un coût qui pouvait dépasser 600 dollars au plus fort de la popularité du jeu. Une fois en jeu, ils pouvaient gagner des tokens échangeables contre de l’argent réel.
Le modèle d’Axie Infinity a suscité un engouement particulièrement fort dans des pays à faible revenu, notamment aux Philippines, où environ 40 % des joueurs étaient concentrés. Cependant, ce modèle s’est révélé fragile. L’économie d’Axie dépendait fortement de nouveaux entrants, créant une bulle spéculative insoutenable. Lorsque l’intérêt pour le jeu a commencé à diminuer, la valeur des NFT et des tokens a chuté drastiquement, laissant de nombreux joueurs avec des actifs virtuellement sans valeur. Ce déclin rapide a conduit certains à qualifier le jeu de système de Ponzi déguisé. Le gouvernement philippin a même averti ses citoyens des risques liés à ces jeux.
Bien que le jeu soit encore en activité, l’effondrement d’Axie Infinity a porté un coup sévère à la crédibilité du modèle play-to-earn, semant la méfiance dans toute l’industrie. Cette expérience souligne les défis auxquels les jeux basés sur les crypto-monnaies sont confrontés lorsqu’ils ne peuvent maintenir un équilibre durable entre l’offre et la demande.
Un avenir durable pour le tap-to-earn ?
Le modèle tap-to-earn pourrait éviter les pièges du play-to-earn grâce à un modèle économique différent. Plutôt que de dépendre des nouveaux joueurs pour alimenter l’économie, les jeux tap-to-earn reposent sur les revenus publicitaires, ce qui pourrait offrir une stabilité à long terme. Alena Shmalko, responsable de l’écosystème à la TON Foundation, affirme que ce modèle publicitaire permet de financer le jeu de manière plus durable, contrairement au play-to-earn, qui reposait sur l’achat de NFT.
Cependant, des défis subsistent. Une fois l’attrait initial des airdrops passé, les joueurs auront-ils suffisamment de raisons de rester engagés ? Les jeux devront innover pour proposer des expériences plus immersives. Certaines plateformes, comme Notcoin, tentent de se réinventer en s’associant à d’autres projets et en lançant de nouveaux jeux, espérant créer un écosystème durable. Hamster Kombat, quant à lui, explore des pistes pour s’étendre en dehors de Telegram, une stratégie qui pourrait offrir une plus grande longévité à ces jeux.
Comme nous l’avons évoqué dans notre premier article, l’avenir du tap-to-earn dépendra de la capacité des développeurs à créer des expériences engageantes et durables, au-delà de la simple gratification instantanée des airdrops. Si ces jeux n’évoluent pas, ils risquent de subir le même sort que leurs prédécesseurs dans l’univers du Web3.