WordPress s’impose aujourd’hui comme un acteur central de l’infrastructure web, avec environ 43 % des sites web mondiaux qui l’utilisent. Cependant, au-delà de son statut de plateforme open-source gratuite, des tensions existent autour de son exploitation commerciale par des tiers comme WP Engine. Ces entreprises profitent de la gratuité du logiciel pour vendre des services d’hébergement, sans toujours contribuer au projet initial.
Ce débat a récemment pris de l’ampleur suite aux critiques virulentes de Matt Mullenweg, cofondateur de WordPress et dirigeant d’Automattic, contre WP Engine, un des principaux hébergeurs WordPress. Il a qualifié cette entreprise de « cancer » pour la communauté, remettant en question les pratiques des sociétés qui exploitent l’open source sans retour tangible pour la communauté.
Les contributions minimales de WP Engine
Dans un billet publié le 21 septembre, Mullenweg a souligné que WP Engine ne consacrait que 40 heures par semaine au développement de WordPress, un chiffre jugé insuffisant comparé aux 3 988 heures hebdomadaires d’Automattic. Pour Mullenweg, cette contribution minimale met en danger la pérennité de WordPress sur le long terme. Il accuse aussi WP Engine d’offrir une version édulcorée de WordPress à ses clients, générant une expérience de moindre qualité dans le seul but d’augmenter ses marges.
En effet, WP Engine s’appuie sur le modèle open-source de WordPress pour commercialiser ses services, mais sans respecter une éthique de retour à la communauté. Depuis son acquisition par le fonds d’investissement Silver Lake en 2018, l’entreprise est accusée de « piller » l’écosystème WordPress sans contribuer de manière significative à son développement.
Le conflit entre l’éthique open-source et le modèle commercial
D’un côté, WordPress.org, projet open-source, repose sur des contributions volontaires pour maintenir et améliorer la plateforme. Automattic, la société de Mullenweg, est un contributeur majeur, mais aussi un acteur commercial via WordPress.com, une plateforme d’hébergement de sites clé en main. En parallèle, des hébergeurs tiers comme WP Engine utilisent la version open-source pour offrir leurs services sans obligation contractuelle de retour financier ou technique à la communauté.
Ce dilemme soulève une question clé : dans quelle mesure les entreprises qui profitent de l’open source doivent-elles réinvestir dans le projet ? Juridiquement, rien n’oblige WP Engine à contribuer, mais moralement, la question est ouverte. Mullenweg prône une approche où les entreprises ayant un fort bénéfice sur WordPress devraient compenser leur usage de la plateforme par des contributions directes, financières ou techniques.
Les implications pour la communauté WordPress
Le blocage temporaire de l’accès des clients de WP Engine aux serveurs de WordPress.org a accentué les tensions. Bien que cette restriction ait été levée, une date butoir a été fixée pour le 1er octobre (demain). Si aucune solution n’est trouvée, les utilisateurs de WP Engine risquent à nouveau de ne plus pouvoir mettre à jour leurs plugins ou thèmes directement depuis WordPress.org.
Pour certains membres de la communauté, WP Engine doit augmenter ses efforts en matière de contribution au projet. D’autres — à l’instar de Josh Collinsworth — estiment que Mullenweg abuse de son pouvoir en tant que leader de WordPress.org pour protéger son propre modèle économique et limiter la concurrence. Ce conflit interne pourrait, à terme, entraîner des décisions plus radicales, telles qu’une scission (fork) de WordPress, permettant à des acteurs dissidents de créer leur propre version de la plateforme.
Une problématique plus large pour l’open source
Ce débat soulève une problématique plus générale pour l’ensemble des projets open source. Comment encourager les entreprises à contribuer de manière équitable tout en respectant le cadre juridique de la licence libre ? Le modèle open source repose sur l’altruisme, mais dans un monde de plus en plus capitalisé, la tension entre bénéfice et éthique devient inévitable.
Geekonomie, qui utilise également WordPress pour sa plateforme mais est hébergé chez Kinsta, s’inscrit dans cette réflexion. L’écosystème WordPress est en constante évolution, et ce conflit pourrait bien redéfinir les relations entre la communauté open source et les acteurs privés.